jeudi 27 janvier 2011

Chantal Desbordes :
la première femme amiral
de France


Elle voulait faire du cinéma, elle est devenue première femme amiral !

Parmi ses invités, le salon du livre de Thénac accueillait une femme remarquable, l’amiral Chantal Desbordes. Histoire d’un parcours qui sort des sentiers battus puisque cette "pionnière" a participé à la féminisation des effectifs de la Marine.

Chantal Desbordes a passé sa jeunesse en Touraine
« près de la Loire, ce fleuve paresseux »


Elle a le regard franc et un sourire rassurant qui incite à la rencontre. Face aux étoiles qui brillent sur l’uniforme impeccable de Chantal Desbordes, le visiteur pourrait être intimidé. Il n’en est rien !

Son premier livre, paru chez Fayard, est une autobiographie où elle détaille les différentes étapes de sa vie professionnelle. « Je suis devenue la première femme amiral parce que je voulais faire du cinéma » dit-elle en riant. La réflexion intrigue !

Retour en arrière. Enfant, le septième art l’attire déjà : « Mon objectif était de devenir réalisatrice en commençant par le montage ». Suite logique de cette vocation précoce, elle se présente au concours de l’ESEC où son rêve s’effiloche. Elle n’est pas admise, comme ce fut le cas du scénariste Jean-Jacques Beinex qu’elle rencontrera plus tard.

Loin de broyer du noir, elle poursuit des études de lettres quand elle entend parler d’un recrutement d’officiers féminins dans la Marine nationale. Elle est sélectionnée et s’engage pour trois ans. Dans les années 70, les officiers féminins ne sont encore des militaires de carrière, elles n’obtiendront l’autorisation de naviguer qu’en 1993.

À son arrivée à Brest, elle constate que la présence féminine est bien modeste : « nous sommes alors 196 femmes, dont 10 officiers, pour 75 000 hommes, dont 6 000 officiers. C’est-à-dire un groupe microscopique ! ». On comprend mieux pourquoi, consciente de cette réalité, elle a toujours œuvré pour une meilleure intégration des femmes au sein des effectifs.
Après avoir travaillé au Service des relations publiques de la Marine (où son vœu de réaliser des films est enfin exaucé), elle intègre l’École Supérieure de Guerre Navale. Un choc pour ses camarades de promotion, tous des hommes, qui l’ignorent pendant quelques semaines et pensent à une erreur de casting. Car la séduisante Chantal Desbordes n’a rien d’un garçon manqué ! Fort heureusement, l’ambiance se détend : « par la suite, certains sont devenus des amis ».

Conséquence d’une Marine très “masculine“, les femmes ne sont pas envoyées sur le terrain. Depuis, la situation a évolué et quand Chantal Desbordes a embarqué sur le Charles de Gaulle en direction de l’Afghanistan, on comptait 160 femmes. « Les conditions de vie à bord peuvent expliquer que les femmes aient été longtemps tenues à l’écart. Ce sont des métiers qui usent prématurément parce que vous travaillez sur une plate-forme mouvante, c’est-à-dire qu’une partie de votre énergie est brûlée par la compensation permanente des mouvements de plate-forme, et le reste par votre activité professionnelle. Il y a aussi l’éloignement et la durée des missions. Il y a enfin la nécessité de maintenir la cohésion de l’équipage dans la durée » explique-t-elle.

« Je faisais figure de pionnière »

Elle rejoint la Direction du personnel où elle occupe un poste intéressant avant d’être nommée commandant d’école, chargée de former les jeunes recrues après la suppression du service militaire. En femme impliquée, soucieuse de l’avenir des femmes au sein du corps d‘armée qu’elle a choisi, elle accomplit rigoureusement le travail qui lui est confié. Tout en apportant sa part d‘innovation : « la condition et le rôle des femmes, parmi lesquelles je faisais figure de pionnière, évoluaient. J’ai été de toutes ces réformes et j’en ai dérangé plus d’un. Mais j’étais dévouée à l’institution et j’ai fini par imposer le respect ». Autour d’elle, un certain nombre d’hommes « éclairés et progressistes » changent d’attitude et lui apportent leur soutien. Sa formation littéraire n’est sans doute pas étrangère à ses facultés d’adaptation et de persuasion. Ses arguments, elle les exprime avec une évidente conviction et un charme indéniable empreint de générosité.

Chantal Desbordes est devenue amiral en janvier 2002. Elle a reçu avec émotion  les étoiles qui ont remplacé les galons de son uniforme: « J’ai ressenti comme un honneur d’être la première à incarner l’amiralat. Une grande fierté aussi. Une fois entrée dans la Marine, j’ai eu le sentiment que mon sort était étroitement mêlé au destin du groupe de femmes auquel j’appartenais. Cette circonstance particulière a donné à mon parcours une assise peu ordinaire. En même temps, elle a pesé d’un poids, lui aussi, extraordinaire. La Marine m’a demandé d’être exemplaire. Elle aura été pour moi une école d’exigence jusqu’au terme de mon cursus » avoue-t-elle.

Aujourd’hui, Chantal Desbordes a quitté la Marine, mais elle peut y revenir à tout moment si une mission l’appelle. En l’attente de se transformer en James Bond girl, elle prépare sagement un second livre, un roman psychologique sur un monde dont elle ignore tout. « C’est une fiction et pour moi l’occasion de vivre d’autres vies ». Comme au cinéma. Bons vents, Amiral !

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